Haut-Jura
"Le vent fera craquer les branches, la brume viendra dans sa robe blanche, il y aura des feuilles partout couchées sur les cailloux ; octobre tiendra sa revanche", disait Cabrel. Il y a des régions de France que l’automne sublime, habillant les forêts d’un manteau orange et rouge. C’est précisément dans l’espoir d’admirer cascades et lacs aux allures d’été indien que je suis venue dans le Haut-Jura au mois d’octobre, et je n’ai pas été déçue ! L’odeur de la rosée sur les feuilles mortes, le soleil rasant se faufilant entre les branches nues… Je vous fais découvrir une splendide destination nature qui, pour ne rien gâcher, est aussi un haut lieu du fromage !
La première chose que j’ai remarqué en arrivant dans le Haut-Jura, c’est le nombre impressionnant de troupeaux au bord des routes : même en Savoie, je n’en avais jamais vu autant ! De quoi transformer les trajets en voiture en de jolis spectacles, à observer le nez collé à la vitre…
Gorges du Flumen
Le Haut-Jura est un territoire façonné par l’eau, où gorges, cascades et lacs constituent d’innombrables endroits pour balader. Beaucoup sont restés sauvages, ce qui, à mes yeux, ajoute encore un peu plus de charme à cette belle région !
Dans le secteur de Saint-Claude, nombreuses sont les chutes d’eau. Au fond d’une vallée, le long des gorges du Flumen, un sentier mène à une série de cascades qui ornent un petit cirque sombre. 25 minutes de marche pour y parvenir, la fin est assez glissante.
Gorges de l'Abîme et cascade des Combes
Un peu plus au nord, encaissées sous le cirque de Vaucluse, les gorges de l’Abîme sont beaucoup plus profondes. Des passerelles métalliques ont été érigées dans l’étroitesse du torrent, au cœur d’une nature humide. Depuis le pont du diable, il faut environ 25 minutes pour arriver jusqu’au trou de l’Abîme.
De là, on peut revenir au parking par le même chemin, ou emprunter un itinéraire qui part vers l’ouest à travers la forêt, cette fois-ci sur la rive droite du cours d'eau. J’ai passé un brave moment à épier des petits rongeurs, dont la discrétion était compromise par la présence de feuilles sèches qui craquaient sur leur passage 😃 !
De l’autre côté de la route jaillit la cascade des Combes, l’une de celles que j’ai préférées !
Cascades du Hérisson
Les cascades du Hérisson désignent 7 chutes d’eau, que l’on découvre le temps d’une échappée de 3 heures aller-retour (départ de la maison des cascades). En cette saison, la balade jurassienne la plus connue se déroulait sur un tapis de feuilles rouges, entre les arbres tirant du vert au jaune. Chaussures de rando vivement conseillées car le sentier est très glissant. Par ailleurs, la vallée étant orientée est-ouest, mieux vaut s’y rendre en fin de journée.
Source : cascades-du-herisson.fr
La première chute d’eau est celle de l’Eventail, la plus photographiée, et à juste titre !
Le sentier prend ensuite de la hauteur et les cascades s’enchainent, toutes plus jolies les unes que les autres. Je croise plusieurs photographes et leur trépied, venus, comme moi, figer le tumulte du torrent. Les habitués me conseillent de revenir au printemps, lorsque le niveau d'eau est gonflé par la fonte des neiges (conseil que je suivrai !).
Sur la D39, le belvédère de l’Eventail offre une perspective différente sur la cascade éponyme.
Les 4 lacs
Narlay, Ilay, le Petit et le Grand Maclu constituent les 4 lacs, un magnifique coin du Haut-Jura. Ils sont accessibles par des chemins de randonnée, mais aussi en voiture, grâce à différents points d’accès. Particulièrement en cette saison, rien ne vaut une visite en fin de journée, lorsque le soleil illumine les rives d’une lumière dorée…
Avec ses 48 mètres, le lac de Narlay est le plus profond.
Et voici le lac d’Ilay !
Randonnée autour des lacs
Pour admirer les lacs d’en-haut, il existe 2 points de vue près desquels des parkings ont été aménagés : le pic de l’Aigle et le belvédère des 4 lacs. Mais la meilleure façon d’explorer les lieux, c’est encore cette très jolie boucle de 3h15, 11 km et 350 m. de dénivelé positif.
Se garer au parking du pic de l’Aigle. De là, il faut une quinzaine de minutes de montée assez soutenue pour rejoindre le belvédère, une portion très fréquentée. Le panorama sur les eaux turquoises du lac d’Ilay et les plateaux jurassiens est émerveillant. J’ai été surprise de découvrir aussi le mont Blanc, que je n’avais pas l’habitude de voir sous cet angle.
Puis comptez 45 minutes supplémentaires pour rallier le belvédère des 4 lacs, par un chouette sentier forestier qui laisse entrevoir régulièrement les plans d’eau en contrebas.
Au belvédère, je m’extasie longuement devant les contrastes de couleurs : le bleu du Petit Maclu et le vert du Grand Maclu, les dégradés de turquoise évoquant ceux d’un lagon, les arbres jaunes qui s’éteignent à l’automne aux côtés des sombres sapins au feuillage éternel…
Je finis par m’arracher à la vue pour descendre jusqu’au niveau des lacs, que j’atteins 1h45 après mon départ du parking.
Le tracé longe ensuite le Petit Maclu…
…puis le Grand Maclu.
Je fais un détour jusqu’au lac d’Ilay, mais les rivages ne sont ici pas très visibles et cela n’en valait pas vraiment la peine. Retour à la voiture avec la nuit : le timing était parfait !
Lac de Chalain
On retrouve les mêmes eaux turquoises au lac de Chalain, depuis le belvédère de Fontenu.
Gros coup de cœur pour le sentier qui part vers l’ouest à quelques pas de là et suit la rive nord : les berges aux tons flamboyants dessinent les contours du plus grand lac naturel du Jura, composant un somptueux paysage !
Et voici la plage du lac de Chalain :
Lac de Bonlieu
Parmi tous les lacs que j’ai pu voir, c’est celui de Bonlieu que j’ai préféré, transportée par la poésie qui se dégageait des lieux ce matin-là. Quelques bancs au bord de l’eau, une barque dissimulée dans le feuillage jaunissant d’un arbre…
N’oubliez pas de prendre de l’altitude pour admirer le lac depuis le belvédère de la Ronde (de préférence l’après-midi pour éviter les ombres).
Lacs de Bellefontaine et des Mortes
Je crains de me répéter en contant une fois de plus combien étaient magnifiques les couleurs orangées des lacs de Bellefontaine et des Mortes au soleil couchant... Cet article sur le Jura automnal repousse décidément les limites de mon vocabulaire des couleurs 😄 ! Que dire des berges bordées de tourbières rousses, et du reflet des arbres blonds à la surface de l’eau rappelant les traits d’une peinture…
Les plus motivés pourront monter au belvédère de la Roche-Bernard, situé sur la crête 200 mètres au-dessus, et qui offre un superbe panorama sur les lacs. 20 minutes de marche aller.
Lac de Vouglans
Infiniment plus grand et beaucoup moins sauvage, le lac de Vouglans n’en demeure pas moins intéressant. D’origine artificielle, il est né avec l’achèvement du barrage en 1968. La 3e plus importante retenue d’eau de France impressionne de par ses dimensions (35 km de long !) et de par la couleur turquoise de son eau, la même que j’ai souvent observée ailleurs dans le Haut-Jura.
Vouglans est encadré de routes, lesquelles offrent de nombreux points de vue sur les méandres : petit tour d’horizon des plus jolis ! Le belvédère de la Roche aux Corneilles se cache au bout d’un sentier piéton, qui succède à une route en terre. C’est mon premier face-à-face avec le lac, dont le niveau d’eau est bien bas passé l’été.
Autre tableau remarquable au belvédère du Regardoir. On peut voir le sud du lac depuis le bord de la route, et le nord depuis le restaurant.
Enfin, impossible de manquer le belvédère du barrage à Lect : à l’image du lac, il est saisissant ! Ses 103 mètre de haut et 425 mètres de long retiennent 600 millions de m3 d’eau, rien que ça !
Lapiaz de Loulle
Dans un registre plus insolite, l’érosion a sculpté à Loulle un curieux paysage que l’on appelle "lapiaz". Le ruissellement des pluies sur la dalle calcaire a formé failles et crevasses, que la végétation a progressivement colonisées. Ce qui était un désert minéral il y a quelques milliers d’années est en train de devenir une forêt où poussent conifères, buissons, plantes grasses… Regardez comme la mousse semble s’épanouir dans ce trou comme sur le rebord d’un balcon !
Piste des dinosaures à Loulle
Il y a 155 millions d'années, des dinosaures ont laissé à Loulle 1 500 empreintes qui ont miraculeusement été conservées. Elles ont été découvertes en 2004. Si la plus grande partie du site a été protégée pour ralentir sa détérioration, quelques empreintes demeurent visibles au public, et l’accès est libre.
Caves d’affinage de comté du fort des Rousses
Impossible de venir dans le Haut-Jura sans penser fromage, et quelle visite plus pittoresque que celle des caves d’affinage de comté du fort des Rousses ! Depuis 1998, c’est dans ce site remarquable, la 2e plus grande fortification de France, que s’est implantée la fromagerie Juraflore. Ce qui était un camp d’entrainement militaire abrite aujourd’hui plus de 135 000 meules de comté, entreposées sur des planches d’épicéa qui garnissent des couloirs de 130 mètres de long : autant vous dire qu’il s’agit d’un endroit extraordinaire !
La fabrication du comté passe par la mise en commun du lait des producteurs, qui ont une obligation de solidarité. C’est pourquoi il n’existe donc pas de comté fermier. Les 153 coopératives jurassiennes, appelées "fruitières", recueillent la production des éleveurs présents dans un rayon de 25 km. Après la confection des fromages, 32 d'entre elles confient leurs meules de comté au fort des Rousses, qui en affine chaque année 8 200 tonnes. Les maîtres affineurs créent des "ambiances de cave" différentes dans chaque salle, et entre lesquelles sont déplacées les meules pendant leur processus d’affinage, afin d’entretenir la diversité des goûts et de créer des fromages uniques. En France, ce sont pas moins de 65 000 tonnes de comté qui ont été produites l’année dernière, ce qui en fait la première AOP de vache.
Le fort des Rousses affine également du bleu de Gex, du morbier et du mont d’or. Ce dernier a la particularité d’être élaboré uniquement du 15 août au 15 mars, une saisonnalité provenant à l’origine de l’enneigement hivernal des routes, empêchant les producteurs de se regrouper et donc de produire de gros fromages.
Cette visite de 2 heures est un festival d’odeurs et une avalanche d’informations et d’anecdotes. Elle se déroule dans les salles voutées en pierre au plus près des fromages, et se conclue par une dégustation et évidemement un passage par la boutique !
à table !
Saucisse de Morteau, truite, ou encore vin jaune sont autant de spécialités jurassiennes qui vous régaleront ! J’ai adoré le Macvin, un vin de liqueur obtenu à partir de jus de raisins non fermenté et de marc du Jura, à boire à l’apéro ou avec le dessert.
Côté fromages, les rois sont le Comté, le morbier, le bleu de Gex, le mont d’or, la cancoillotte et la raclette. Les nombreuses fruitières ont de tout aussi nombreux magasins où elles vendent leur production, vous n’aurez donc aucun mal à trouver de quoi manger ! La plupart du temps, elles commercialisent aussi une large gamme de produits locaux : beurre, laitages, charcuterie, miel, confiture, porte-clés vache, et j’en passe ! Je me suis approvisionnée à la fromagerie de Montbrillant, à celle de Lajoux, et à la fruitière du pays Grandvallier.
Hébergement
A Saint-Laurent-en-Grandvaux, j’ai dormi dans un très beau gîte à la déco soignée et à l’ambiance feutrée. Le bonus, c’est la présence d’un jacuzzi au sous-sol, et ce que j'ai un peu moins aimé, la proximité directe avec la route.